Le premier lit du monde

Lyn Wadley et son équipe ont découvert en Afrique du Sud le premier lit du monde, battant le record avec plus de 200 000 ans d’ancienneté. Composé de végétaux, nos ancêtres faisaient déjà preuve d’ingéniosité pour leur confort.
Une intuition payante
En 2017, Lyn Wadley, archéologue et préhistorienne à Johannesburg (Afrique du Sud), mène ses recherches dans la Border Cave. La caverne se trouve dans les monts Lebombo, un site montagneux de 800 km de long en Afrique du Sud. Plusieurs découvertes portant sur la vie quotidienne de nos ancêtres y ont déjà été faites. On y a notamment trouvé une tombe d’un nouveau-né paré de bijoux datant de 74 000 ans, de la cire d’abeille vieille de 40 000 ans et, plus ancien encore, des tubercules brûlés, témoignant de l’alimentation de nos ancêtres il y a 170 000 ans. La Border Cave est véritablement une mine d’or pour les archéologues.

Lors des recherches scientifiques dans la Border Cave, la disposition de la matière végétale intrigue l’équipe franco-sud-africaine. Une poudre blanche, à première vue anodine, n’a pas échappé à son œil d’experte. Lyn Wadley suspecte alors la présence de végétaux fossilisés. Le record du premier lit du monde, vieux de 77 000 ans et détenu jusqu’alors par une litière à Sibudu, est sur le point d’être dépassé.


Un premier lit du monde ingénieux
Les chercheurs confirment son intuition. Ils découvrent le premier lit du monde datant de 200 000 ans. Ce matelas végétal était déjà étonnamment élaboré pour son époque. Les premiers lits du monde étaient constitués de plusieurs couches. D’abord, une couche de cendres de bois servait de base propre pour isoler le lit du sol poussiéreux. D’autre part, nos ancêtres utilisaient des végétaux aux vertus insecticides, pour repousser les nuisibles, comme des feuilles de camphrier.
Plus qu’une simple preuve d’ingéniosité, nos ancêtres veillaient à l’entretien de leur nid douillet, en brûlant régulièrement les composants et en y ajoutant une nouvelle couche de végétaux. La Border Cave est l’un des seuls lieux d’Afrique à renfermer autant de secrets. La composition voûtée de la caverne permet de garder son intérieur très sec, et ainsi d’assurer une excellente conservation de la matière organique, une chance inestimable pour les chercheurs. Cela explique le nombre considérable de milliers de vestiges que cette grotte abrite et qui ne cessent de nous étonner.

Des ancêtres innovants
Les hommes préhistoriques ayant vécu il y a 200 000 ans créaient ainsi leur propre lit. Cela démontre que ces chasseurs-cueilleurs étaient capables de protéger leur habitation, de veiller à leur confort et à leur hygiène grâce à leur connaissance du feu, des végétaux et de leurs vertus. Ces lits se trouvaient généralement au fond de la grotte, l’espace de vie principal des hommes préhistoriques. Les chercheurs ont trouvé des fragments de pierres servant à la confection d’outils près du premier lit du monde, démontrant que c’était un lieu non seulement de repos, mais aussi de vie quotidienne. Cela témoigne d’une avancée sociale et cognitive insoupçonnée chez ces populations.